« L'accès à Internet, étendu à tous les hommes sur terre ». Tel était le souhait unanime de tous les acteurs du Net, au e-G8 Forum, Mardi 24 et mercredi 25 Mai 2011. Ils réfléchissaient ensemble avant de présenter leurs conclusions aux Chefs d'Etat du G8, qui se tenait à Deauville, les 26 et 27 Mai.
Cependant le consensus s’est arrêté là et les débats qui se sont tenus à Paris dans les jardins des Tuileries sont allés bon train entre les PDG, les activistes, et les simples utilisateurs. Tous les sujets ont été abordés sans tabou, y compris ceux qui fâchent. Et même si la majeure partie des acteurs est convaincue de la nécessité d’une forme de régulation pour empêcher certaines dérives sur le Net, comme la pédophilie ou les incitations au terrorisme, le débat reste entier quant au niveau de régulation souhaitable.
Pour aller à la rencontre des chefs d’Etat du G8, Maurice Levy, le PDG de Publicis avait réuni à ses côtés Eric Schmidt, patron de Google, Stéphane Richard, PDG d'Orange ; ainsi que le jeune fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg qui, lui aussi, a approuvé une forme de régulation du Net. Il s’explique : « D’une part le nouvel essor économique, la liberté d’expression sont les bons côtés d’internet, de l’autre il y a aussi de vrais problèmes qui touchent par exemple à la sécurité. Et là, les sociétés n’ont pas encore établi où elles voulaient s’arrêter. Ce qu’il est important de comprendre c’est que l’on ne peut pas déconnecter ces problèmes, des bénéfices de l’internet dont les effets se font déjà sentir. »
Quel Web laisser à nos enfants ?
« Mais attention, continue le jeune PDG de 27 ans, « Il est bien entendu qu’en tentant d’aller à fond sur la sécurité , on peut déraper. Mais penser que l’on peut s’attaquer à ces questions tout en maintenant intact les bénéfices que l’on tire d 'Internet est assez utopique. Personnellement, je n’y crois pas . Il doit y avoir un équilibre et une interconnection entre ces choses. »
La délicate question de la propriété intellectuelle a notamment fait l’objet de nombreuses polémiques : Il ne s’agit pas d’entraver la liberté sur le web. Nous avons une immense responsabilité et trop réguler pourrait tuer le web se sont alarmés certains ; tandis que les plus radicaux n’ont pas hésité à fustiger toutes les tentatives de bloquer la libre circulation des idées et des informations, y compris les plus sensibles sur les sites. Leur argument choc que peu d’acteurs du Net ont pu réfuter : s’il y avait eu des régulations, ni Youtube, ni Facebook, ni Google n’auraient pu voir le jour. Qui peut les contredire ?
Malgré tout, là encore, la plupart des acteurs pensent qu’une forme de régulation s’impose pour garantir aux prochaines générations le même niveau de créativité que l’on a connu dans les arts et notamment la musique.
Liberté de circulation des idéees et l’innovation.
Force est de reconnaitre, comme le rappelle Maurice Levy, que l’échec du Minitel français, est à imputer en grande partie à l’excès de régulation. Et instituant trop de règles contraignantes, on court le risque d’entraver de nouveaux projets utiles pour le développement de l’humanité et de bloquer des entreprises innovantes. C’est ce que n’ont pas manqué d’évoquer les six membres de la délégation du e G8-forum, alors qu’ils s’apprêtaient à livrer leurs conclusions aux Chefs d’Etat du G8.
Une réaction positive au plus haut niveau des Etats.
Après avoir reçu les géants du web du E-G8, jeudi 26 Mai, et écouté les recommandations du forum, le Président français, au G8, a insisté sur la nécessité de laisser « l’innovation et la liberté créatrice s’exprimer, tout en étant conscient de l’équilibre délicat à trouver entre liberté et régulation. Il a ainsi résumé le dilemme: « les acteurs d’Internet sont parfaitement conscients qu’ils ont des impératifs et des devoirs vis-à-vis de la sécurité, de la propriété intellectuelle et même vis-à-vis de la fiscalité numérique. Leur préoccupation étant qu’aucune règle ne puisse venir entraver l’innovation et que si règles il y a, elles doivent être compatibles avec le développement de l’innovation, de la liberté et de l’ouverture d’Internet. »
Le Président français faisait allusion à la nécessité d’une législation fiscale plus étendue afin d’éviter que certains grands acteurs du Net ne s’arrangent, entre tous les pays où ils sont présents, pour payer le moins d’impôts possible, sujet qui fâche et qui n’avait pas manqué d’être évoqué pendant le forum.
Conscient du fait que ce double impératif, entre liberté et régulation, nécessitera des ajustements constants, les Etats du G8 ont décidé de faire de l’e-forum un rendez-vous annuel régulier avant leur sommet. Et le Président français de préciser : « Nous avons proposé aux membres de la délégation du e-forum de travailler sur un corpus, la somme de ce que devraient être des règles mondiales.» Une tâche que Maurice Levy et son équipe sont bel et bien déterminés à prendre à bras le corps, conscient des enjeux pour les générations à venir.
par
Brigitte Ades
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